Littérature proposée par Jacques Covin

En cette année 2014 qui a vu la disparition de Constantin Milsky (1916 – 2014), je ne pouvais commencer cette revue critique bibliographique sans vous conseiller la lecture de ses mémoires « Le dragon enchaîné » (1).

Né en 1916 à Odessa, Constantin Milsky arrive en Chine en 1931 où il va être confronté à la guerre sino-japonaise puis être entraîné à l’école des Cadres du parti communiste chinois avant d’être emprisonné sous la coupe de Tchang Kaï-chek pendant sept ans. Libéré, il reprend des études de chinois classique à l’Université de Pékin, mais le sort s’acharne sur lui et il passe alors onze années dans les prisons politiques maoïstes.
Constantin Milsky quitte la Chine en 1966 puis, après un séjour à l’Université de Princeton aux Etats-Unis, il s’installe en France où il travaille en collaboration avec le Dr. Gilles Andrès à la traduction d’ouvrages médicaux chinois (Zhenjiu jiayi jing, Ling shu, Su wen).
« Le dragon enchaîné » représente un témoignage exceptionnel sur la Chine, des années 1930 à la période de la révolution culturelle.

Le second livre dont je vous conseille la lecture est celui de Jacques Gossart « Aux origines de la Chine » (2). Le fil conducteur de ce livre est de « serrer au plus près les récits mythologiques et les textes des historiographes, démêler le vrai du faux, distinguer la réalité de la légende » ; en effet, beaucoup de faits historiques se cachent dans la foisonnante mythologie chinoise.
Jacques Gossart commence son étude par la période des « Trois Augustes » (Fu Xi, Nü Wa et Shen Nong), puis la période des « Cinq Souverains » (dont Huang Di, l’Empereur Jaune), puis la Dynastie des Xia (- 2207 à – 1600) (dont Da Yu, Yu le Grand) et termine avec la Dynastie des Shang (- 1600 à – 1046) (dont Cheng Tang, fondateur de la dynastie, roi vertueux descendant de Huang Di).
La lecture de ce livre permet d’apporter une réponse aux questions : Quelle est la part de réalité historique des textes antiques ? Qu’est-ce qui relève de la fable ou du récit de fiction à des fins philosophiques ?

Le troisième livre, « Quand l’esprit s’égare » (3) de Douwe Draaisma, va nous entraîner dans la découverte des maladies neurologiques les plus connues en nous racontant l’histoire personnelle de leurs découvreurs :
– Le syndrome de Bonnet (Charles Bonnet 1720 – 1793) « Des visions qui surgissent à la tombée du jour »
– La maladie de Parkinson (James Parkinson 1755 – 1824)
– Le « tableau de Phineas Gage (1823 – 1860) » : repris par Antonio Damasio dans son livre « L’erreur de Descartes. La raison des émotions »
– L’aire de Broca (Paul Broca 1824 – 1880)
– L’épilepsie de Jackson (John Hughlings Jackson 1835 – 1911)
– La faccia lombrosina (Cesare Lombroso 1835 – 1909)
– Le syndrome de Korsakoff (Sergueï Sergueïevitch Korsakoff 1854 – 1900)
– Le syndrome de Gilles de la Tourette (Georges Gilles de la Tourette 1857 – 1904)
– La maladie d’Alzheimer (Aloysius Alzheimer 1864 – 1915)
– Les aires de Brodmann (Korbinian Brodmann 1868 – 1918)
– Le syndrome de Clérambault (Gaëtan Gatian de Clérambault 1872 – 1934)
– Le syndrome de Capgras (Jean Marie Joseph Capgras 1873 – 1950) « Une tasse de thé pour le sosie »
– Le syndrome d’Asperger (Hans Asperger 1906 – 1980), forme d’autisme.
Au moment où la démarche médicale devient de plus en plus « technique », la lecture de ce livre nous invite à rester en éveil lorsque l’on examine un patient : il importe de percevoir la structure des symptômes, de séparer l’essentiel du contingent, de remarquer tel ou tel détail par lequel une maladie s’exprime.
Il faut apprendre à écouter (Sigmund Freud 1856 – 1936) et à regarder (Jean-Martin Charcot 1825 – 1893), s’affranchir de ce que l’on croit entendre ou voir, de ce qu’on s’attend à entendre ou à voir.
S’agissant du rôle que jouent les prévisions en médecine, Charcot met en garde contre la tendance que nous avons à ne remarquer que ce que l’on nous a enseigné à voir, et à négliger ce qui ne s’accorde pas à nos préjugés.
Cependant, en pratique, le médecin, mettant à profit les méthodes considérées comme les plus adaptées, choisit les instruments disponibles sur le moment, use des arguments dont la validité est établie, en étant tributaire de quantités de conventions. Même s’il s’inscrit en faux contre les conceptions dominantes et essaie de conserver son autonomie par rapport à l’agitation qui l’environne, il est, sans qu’il en ait conscience, guidé par les idées de son époque. (Théorie des « anneaux de cardan » – Girolamo Cardano 1501 – 1576) … à méditer !!!
Comme le dit Oliver Sacks : « On peut ouvrir ce livre à n’importe quel chapitre … mais quand on l’a ouvert, on risque de ne plus pouvoir le refermer. »

Enfin, pour terminer cette première présentation, je vous conseille, au gré de vos humeurs, la lecture du recueil de Marie Faucher « Contes des sages qui guérissent » (4) :
« Gardez ce livre auprès de vous
Ouvrez-le de temps en temps
Comme on rend visite à un ami
Et si vous avez besoin d’un conseil
D’une lumière sur votre route intime
Demandez-lui, par simple jeu
Fermez les yeux
Ouvrez le livre
Ouvrez les yeux
Remercier qui vous voulez. »

Très bonnes lectures à toutes et à tous !
Dr. Jacques Covin
Président de l’ASOFORMEC 艾 色 坲 明

Conflit d’intérêt : aucun

1 : Constantin Milsky – Le dragon enchaîné-De Chiang Kai-Shek à Mao, 35 ans d’intimité avec la Chine – Edition de la Tisserande – Paris 2005. (26 euro)
2 : Jacques Gossart – Aux origines de la Chine – Collection Archéologie mystérieuse & Civilisations disparues – Editions Oxus – 2014. (22 euro)
3 : Douwe Draaisma – Quand l’esprit s’égare – Editions du Seuil – 2014. (26 euro)
4 : Marie Faucher – Contes des sages qui guérissent – Collection dirigée par Henri Gougaud – Editions du Seuil – 2007. (16,50 euro)